Je n’ai retrouvé pratiquement aucune entrée de journal de 2011. Que s’est-il passé, Ell’, pour que, même dans ton journal, tu sois quasi silencieuse ?
Parce que l’insipidité des lectures continue : des livres qui ne t’inspirent pas, des livres de divertissement dont tu sors la tête vide, la plupart achetés chez France Loisirs : Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates (Annie Barrows), Les Fabuleuses aventures d’un indien malchanceux qui devint millionnaire (Vikas Swarup), Mangez-les si vous voulez (Jean Teulé), Le Mec de la tombe d’à côté (Katarina Mazetti), Un secret (Philippe Grimbert), Wilt (en 4 tomes, Tom Sharpe).
Une immersion dans l’univers de Jonathan Tropper (C’est ici que l’on se quittePertes et fracasLe Livre de JoeTout peut arriver) que tu ne regretteras pas mais vers lequel tu ne retourneras plus ensuite. Tu as réessayé l’année dernière mais vite abandonné, next. Des livres qui m’ont servi d’exemples parmi d’autres, de narration contemporaine.
Le destin. La fatalité. Dieu.
Du pipeau, tout ça.
Les gens veulent que leur vie ait un sens. Ils veulent pouvoir s’asseoir sur un fauteuil comme des inspecteurs de police existentiels et analyser leur parcours jusqu’au moment présent, mettre le doigt sur les moments clés qui ont construit leur identité et les habiller rétrospectivement d’une sorte d’aura mystique, comme si les forces célestes de l’univers n’étaient qu’une équipe de scénaristes de série télé chargés de vous concocter des rebondissements ultracompliqués avant l’obligatoire happy end en fin de saison. Personne n’a envie de croire que tout cela est le seul fruit du hasard, que les directions prises par nos vies ne sont rien de plus qu’une série d’accidents, de minuscules champignons nucléaires dont nous subissons simplement les retombées.
Jonathan Tropper. Perte et fracas. p. 69.
La liste est une des plus minces de ta carrière de lecteur, Ell’ ! Il ne s’agit pas d’un challenge, bien sûr. Pas de résolution chiffrée en début d’année quant au nombre de livres à lire, sachant aussi que certains peuvent occuper un mois quand d’autres sont lus en deux jours. La qualité (du livre et de la lecture), pas la quantité. C’est simplement un constat que je peux faire désormais, du haut de ma carrière de lecteur : lorsque je lis et/ou écris peu, c’est que quelque chose ne va pas et que je fuis toute ouverture critique et réflexive potentielle. En d’autres termes : que je m’oublie. C’est ma jauge, comme d’autres suivent leur courbe de poids.
Un seul livre essentiel cette année-là (mais que tu n’as même pas véritablement compris à la première lecture), un des rares livres que tu aies relus : L’Écrivain et l’autre de Carlos Liscano. Une influence essentielle et irrémédiable dans la fondation de ton écriture et sa métaphysique, autour du dédoublement de la personne écrivant et du moi-écrivain. C’est drôle que tu sois entrée en contact avec ce livre qui a façonné en partie ta personnalité d’écrivain en cette année où tu n’écrivais plus du tout.
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